(F) MELISSA BENOIST

« Je laisse tomber, j'en ai marre. » lâchais-je en poussant mes notes de cours plus loin sur la table pour ensuite venir croiser mes bras sur mon torse. S'il y avait bien une matière que je détestais, c'était les mathématiques. En même temps, savoir que ça n'allait jamais me servir - sauf pour les additions, soustractions, multiplications et divisions - dans la vie de tous les jours ne me donnait pas envie de vouloir essayer. Faut dire que l'école et moi, ça n'a jamais vraiment été une histoire d'amour. « Mais non, tu y es presque ! Te manque seulement un peu de motivation, s'est tout. Je sais que tu peux le faire. » La tête baissée, je levais mon regard vers Adeline tout en haussant les épaules. Cela faisait au moins la dixième fois que l'on voyait le même exercice, toujours rien. C'était peine perdue. « Lâche. » Elle attrapa une feuille vierge, la froissa pour ensuite me la lancer sur le front suivi d'un rire. Un sourire espiègle s'étira sur mes lèvres, je m'étais penché pour prendre le bout de papier à mon tour et lui retourner le coup. Ce petit jeu dura quelques secondes, accompagné de rires. Adeline était la seule personne qui arrivait à me faire oublier comment ma vie était merdique et comment personne ne semblait vouloir de moi. Elle me faisait rire et sourire, j'en avais réellement besoin. Nous nous connaissions depuis la cinquième année et depuis ce jour, nous étions inséparables. « La garderie est en congé aujourd'hui ou quoi ? » Nos rires s'arrêtèrent net, nous restions figés, tournant légèrement notre regard vers Mathieu, la brute. Loin d'être le garçon le plus populaire de l'école, j'avais l'honneur de me faire persécuter par ce connard qui se prenait pour le centre de l'univers. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi les gens s'en prenaient à moi ainsi. Ils se trouvaient drôles peut être. En tout cas, j'étais loin de rire - ce qui devait les encourager en fait. « T'as rien de mieux à faire ? » Les sourcils froncés, je gardais mes yeux rivés sur lui. Il éclata de rire suivit par ses copains - ou chien de poche dans ce cas. « Oh. De l'attitude, j'adore. T'essaies d'impressionner ta copine ? » Mes lèvres se serrèrent ainsi que mes poings. Mon visage brulait de rage, ça en devenait insupportable. Remarquant tout de suite la tension qui s'était emparé de moi, Adeline s'interposa. « Laisse-le faire Damien. Vient, on s'en va. » Tel un chien sur ses gardes, je restais dans ma position pendant quelques secondes avant de me redresser pour la suivre. Mathieu restait debout avec son sourire débile collé au visage, comme toujours. Il semblait apprécier la scène. Il pouvait se compter chanceuse qu'Adeline soit là pour m'empêcher de lui foutre une droite en pleine tronche. Si elle me disait non, je ne le faisais pas. Je ne voulais pas qu'elle m'en veuille pour une connerie. « Vas-y, écoute ta bitch. » Dos à lui, je m'arrêtais à ces mots. Les battements de mon cœur s'accéléraient, je pouvais sentir mes ongles transpercés la paume de mes mains, mes yeux se fermèrent pour essayer de garder contrôle de la situation, mais là, c'était de trop. Les bruits et les voix qui m'entouraient n'étaient que de simples bourdonnements à mes oreilles. Adeline tentait de me dire quelque chose, mais je n'entendis rien. D'un coup, je retournais les talons, m'avançais vers Mathieu pour ainsi l'agripper par le collet et lui balancer mon poing sur le nez. Je venais de me prendre un rendez-vous avec le directeur. [...] Mon regard balayait la salle à la recherche d'une personne en particulier, mais bien entendu, elle n'était pas présente. Cela faisait quatre ans qu'Adeline avait quitté la ville et je n'avais toujours pas de nouvelle. Même pas un e-mail, rien. Comme tout le monde, elle m'avait abandonnée alors que j'avais besoin d'elle.