one for the road (m)

Benjamin tire une taffe de sa clope. Elle est un peu froissée, elle a traîné dans son sac, entre les autres. Ses doigts tremblent, il fait froid et il a pas de gants naturellement. Mais il tire et ça le réchauffe, même plus besoin de manteau grâce à Marlboro, c'est ta copine de substitution qui lui serre le cœur et le corps, elle lui prend la tête et la détend à la fois. Il se demande ce qu'il fout là au final, il oublie souvent la raison pour laquelle il bouge encore son cul à des rends-vous auxquels il est sûr que la gazelle viendra pas, mais c'est pas ça qui le décevra, y'en aura toujours une autre qui passera sous son nez pour lui faire oublier la première, tel un cycle sans fin. Il se demande si un jour il pourra vraiment trouver l'amour, s'il tombe amoureux perpétuellement. C'est le cadet de ses soucis pour le moment. Lui c'est la chair qui l'intéresse avant le romantisme, le problème est que ça va jamais au delà, il fait pas pourquoi. Elles s’évaporent toutes. Comme ses clopes, au final. Il repense à la nana qu'il a invité, une petite brunette qui s'est sentie vraiment conne lorsqu'il l'a cramée sans son ticket, ou sa carte même. Ça lui arrive tout le temps d'oublier sa carte, alors il passe derrière une personne pour pas louper le métro, lui aussi. A la différence que son job consiste à attraper ces gens et à les punir, pas trop sévèrement tout de même. Quoique, cinquante euros d'amande ça peut faire réfléchir. Et puis elle était là, le rouge lui montant aux oreilles, la petite goutte de sueur de la fille fautive, le regard qui parcourait un peu trop toute la rame et il lui a finalement posé la question qui fâche. Benjamin il le sentait venir, alors il a été gentil. Il s'est penché et lui a parlé ; c'était réglé pour lui et pour elle en deux minutes. Il ne faut jamais rater une occasion, c'est sa règle d'or.
C'est donc elle qu'il attend, "Mathilde du métro" comme y'a écrit sur l'écran. La clope au bec, l'autre main pianote sur son portable. Elle lui assure qu'elle va venir, et Ben a déjà étudié les chances qu'elle vienne vraiment : minces. Plein d'espoir et d'ennui, il s'est dit que ça valait le coup d'essayer, histoire de pas passer pour le dernier des connards à poser un lapin. Sans espérer qu'elle devienne sa meilleure amie, sa petite copine ou quoique se soit, il espère qu'il y aura un bon feeling entre eux, puis si non tant pis. Il dit jamais non à de nouvelles expériences, c'est sa seconde règle d'or. Benjamin attend sur les marches sales de l'opéra, derrière lui y'a quelques danseurs que le froid n'effraie pas car ils suent depuis tout à l'heure avec leur musique forte. Il les a déjà bien observés, comme il l'a fait avec les centaines de passant qui ont foulé le sol face à lui, sans même lui décrocher un regard. Il aime traîner à Hôtel de Ville, c'est un concentré de bonnes choses ce quartier, et c'est déjà mieux comme seconde rencontre que de la faire venir à Villeurbanne, la pauvre. En attendant, elle est déjà en retard de cinq minutes et Benjamin a déjà finit deux clopes. Il sort son paquet pour s'en faire une autre lorsqu'il la voit, belle comme le jour, arriver vers lui. Il a une mémoire des visages, Ben, et il tombe amoureux direct, comme tous les jours, avec toutes les filles. Il se lève, un petit sourire malin au creux des lèvres et lui claque la bise, en profite pour respirer son parfum et s’imprégner d'elle comme la première fois. « J'pensais pas que tu viendrais. » Pas de bonjour non, il dit tout ce qu'il pense, c'est tout. « Ça va bien ? » Parle de la météo aussi, t'auras l'air moins con. Et puis tant pis, son briquet roule entre ses doigts et cette clope il l'allume enfin, pour le déstresser. Il a les mains un peu moites. « Tu fumes ? T'en veux une ? » Tu veux que j'arrête ? Dis-moi.