,, lemme sit on top of your knees
«
Bon, tu le fais ou pas ? » Sarah, âgée de six ans, croise les bras et relève son menton, cet air déjà supérieur dessiné sur son visage de porcelaine, aussi petite soit-elle. Derrière elle, ses deux camarades adoptent sa position et toutes les trois dévisagent leur interlocutrice durant une trentaine de secondes, avant que la jeune blonde pince les lèvres. «
Je peux comprendre que tu ne veuilles pas faire partie de ma bande, tu sais. » La petite fille en face d'elle se crispe, semble réfléchir durant quelques secondes. Elle n'est peut-être âgée que de six, mais sa tête ne sonne pas creux : elle sait que si elle refuse d'exécuter ce que lui demande Sarah, elle ne fera non seulement pas partie de sa bande, mais cette dernière interdira toute l'école de lui adresser la parole, comme elle l'a fait pour Caroline qui a été forcée de changer d'établissement deux mois plus tôt. «
Très bien, je vais le faire », murmure la petite fille en face de Sarah qui laisse un sourire satisfait se dessiner sur ses lèvres. D'un geste du menton, elle indique à l'une de ses camarades de classe qui se situe en arrière de lui donner une paire de ciseaux. La sonnerie annonçant la fin de la récréation retentit, le groupe se disperse, mais Sarah s'approche de son interlocutrice, pose une main sur son épaule pour l'empêcher de partir. «
Coupe une grosse mèche, compris ? » L'enfant hoche la tête de façon positive, puis s'en va vers les toilettes plutôt que le rang après s'être dégagée de l'emprise de la jeune Lefevre.
Sarah se tenait face à la grande baie vitrée du salon, le regard perdu dans le vague, tandis que derrière elle, Chloé et Rachel faisaient les cent pas, comme de véritables lions en cage. Elles étaient complètement flippées, tant et si bien que Sarah laissa un rire lui échapper. «
Cette histoire te fait rire, peut-être ? Tu sais que le harcèlement peut être puni par la loi ? Parce que personnellement j'suis loin de vouloir me retrouver en taule. » La jeune blonde roula aussitôt des yeux, exaspérée par le comportement exagéré de son amie. Cette dernière continua pourtant à tourner en rond, murmurant des paroles incompréhensibles pour d'autres personnes qu'elle-même. Sarah ferma les yeux pour se calmer et se tourna à nouveau vers la baie vitrée.
Tout allait bien se passer, ils n'avaient rien fait de mal. Sans crier gare, elle attrapa violemment le bras de Rachel et plongea son regard dans le sien. «
Tu me donnes le tournis, arrête ça tout de suite. » Sa voix froide et cassante eût l'effet escompté : Rachel posa ses fesses dans le canapé, juste à côté de Benjamin et ne bougea plus d'un centimètre. «
On ne va pas avoir d'ennuis, vous m'entendez ? Si cette abrutie d’Héléna était assez stupide pour se foutre en l'air, grand bien lui fasse, mais c'est son problème, pas le nôtre. » Elle posa son regard sur Chloé qui hocha positivement la tête, puis sur Alphonse et Benjamin qui en firent de même. Lorsque vint le tour de Rachel, cette dernière releva le menton et soutint le regard de son amie. Était-elle occupée à la défier ? Elle s'avança vers la porte qui menait au hall tout en s'exclamant : «
On l'a poussée au suicide, putain ! Et aucun de tes discours ne pourra m'empêcher de... » Mais Sarah fût plus rapide. Elle l'attrapa par son gilet et la repoussa vers le centre du salon. «
Tu ne vas nulle part. » Ce fût au tour de Rachel à lâcher un rire, après avoir croisé les bras et penché la tête de côté. Elle haussa un sourcil par la même occasion et tenta à nouveau de passer la porte, sans grand succès. «
Et tu vas faire quoi ? Me séquestrer ? » La jeune Lefevre lui lança un regard noir et siffla : «
Ne me tente pas. » Benjamin, qui était resté muet depuis qu'il était entrée dans la demeure de la famille Lefevre se leva finalement et se dressa entre ses deux amies lorsque ces dernières commencèrent à en venir aux mains. Finalement, il parvint à les séparer avec l'aide d'Alphonse, tandis que Chloé avait enfoui sa tête entre ses mains de façon désespérée. «
Vous comprenez pas ? Nous déchirer ça va pas nous aider putain. Ce qu'on a fait c'était clairement pas bien, je suis d'accord Rachel, mais je suis aussi de l'avis de Sarah et la corde, elle l'a passée à son cou toute seule, ok ? » Les deux jeunes filles se dévisagèrent, mais restèrent silencieuses. Leur ami avait totalement raison : péter les plombs comme elles étaient occupées à le faire était loin de les aider à y voir clair. «
D'accord, je... Je suis désolée. » Sarah lui lança un regard dédaigneux et haussa les sourcils. Évidement, qu'elle était désolée, il ne manquait plus qu'elle ne le soit pas. Soudainement, un crissement de pneus se fit entendre dans l'allée principale menant à la demeure. Après un bref regard par la baie vitrée, la jeune fille se rendit compte qu'il s'agissait de sa soeur aînée qui revenait pour les vacances. Elle alla lui ouvrir la porte et fit sortir ses amis par la même occasion, sachant très bien qu'ils se retrouveraient plus tard. «
Sarah, ça va ? T'as pas vraiment l'air dans ton assiette. » La jeune fille ouvrit la bouche pour lui répondre par la positive, mais elle se rendit compte qu'elle était incapable de prononcer le moindre mot. Pour la première fois de son existence, elle ressentait cet étrange sentiment sur lequel elle était incapable de mettre des mots, mais que son aînée identifierait plus tard comme de la
culpabilité. «
N-non... faut que je te parle », lui murmura-t-elle avant de rompre la distance qui la séparait de sa soeur et se serrer contre elle qui, surprise, mit un certain temps avant de lui rendre son étreinte ; les signes d'affection chez les Lefevre n'étaient pas une habitude et pourtant, jamais Sarah n'en avait eu plus besoin.